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Gustave Caillebotte
Barques et cabane, bord de Seine
C’était à la fin d’un dîner d’hommes, d’hommes mariés, anciens amis, qui se réunissaient quelquefois sans leurs femmes, en garçons, comme jadis. On mangeait longtemps, on buvait beaucoup ; on parlait de tout, on remuait des souvenirs vieux et joyeux, ces souvenirs chauds qui font, malgré soi, sourire les lèvres et frémir le coeur. On disait :
— Te rappelles-tu, Georges, notre excursion à Saint-Germain avec ces deux fillettes de Montmartre ?
— Parbleu ! si je me le rappelle.
Et on retrouvait des détails, et ceci et cela, mille petites choses, qui faisaient plaisir encore aujourd’hui.
On vint à parler du mariage, et chacun dit avec un air sincère : « Oh ! si c’était à recommencer !… » Georges Duportin ajouta : « C’est extraordinaire comme on tombe là-dedans facilement. On était bien décidé à ne jamais prendre femme ; et puis, au printemps on part pour la campagne ; il fait chaud ; l’été se présente bien ; l’herbe est fleurie ; on rencontre une jeune fille chez des amis… v’lan ! c’est fait. On revient marié. »
Pierre Létoile s’écria : « Juste ! c’est mon histoire, seulement j’ai des détails particuliers… »
Son ami l’interrompit : « Quant à toi ne te plains pas. Tu as bien la plus charmante femme du monde, jolie, aimable, parfaite ; tu es, certes, le plus heureux de nous. »
L’autre reprit :
— Ce n’est pas ma faute.
— Comment ça ?
— C’est vrai que j’ai une femme parfaite ; mais je l’ai bien épousée malgré moi.
— Allons donc !
— Oui… Voici l’aventure. J’avais trente-cinq ans, et je ne pensais pas plus à me marier qu’à me pendre. Les jeunes filles me semblaient insipides et j’adorais le plaisir.
Je fus invité, au mois de mai, à la noce de mon cousin Simon d’Érabel, en Normandie. Ce fut une vraie noce normande. On se mit à table à cinq heures du soir ; à onze heures on mangeait encore. On m’avait accouplé, pour la circonstance, avec une demoiselle Dumoulin, fille d’un colonel en retraite, jeune personne blonde et militaire, bien en forme, hardie et verbeuse. Elle m’accapara complètement pendant toute la journée, m’entraîna dans le parc, me fit danser bon gré mal gré, m’assomma.
Je me disais : « Passe pour aujourd’hui, mais demain je file. Ça suffit. »
Vers onze heures du soir, les femmes se retirèrent dans leurs chambres ; les hommes restèrent à fumer en buvant, ou à boire en fumant, si vous aimez mieux.
Par la fenêtre ouverte on apercevait le bal champêtre. Rustres et rustaudes sautaient en rond, en hurlant un air de danse sauvage qu’accompagnaient faiblement deux violonistes et une clarinette placés sur une grande table de cuisine en estrade. Le chant tumultueux des paysans couvrait entièrement parfois la chanson des instruments ; et la frêle musique, déchirée par les voix déchaînées, semblait tomber du ciel en lambeaux, en petits fragments de notes éparpillées.
Deux grandes barriques, entourées de torches flambantes, versaient à boire à la foule. Deux hommes étaient occupés à rincer les verres ou les bols dans un baquet pour les tendre immédiatement sous les robinets d’où coulaient le filet rouge du vin ou le filet d’or du cidre pur ; et les danseurs assoiffés, les vieux tranquilles, les filles en sueurs se pressaient, tendaient les bras pour saisir à leur tour un vase quelconque et se verser à grands flots dans la gorge, en renversant la tête, le liquide qu’ils préféraient. Sur une table on trouvait du pain, du beurre, des fromages et des saucisses. Chacun avalait une bouchée de temps à autre : et sous le champ de feu des étoiles, cette fête saine et violente faisait plaisir à voir, donnait envie de boire aussi au ventre de ces grosses futailles et de manger du pain ferme avec du beurre et un oignon cru.
Un désir fou me saisit de prendre part à ces réjouissances, et j’abandonnai mes compagnons.
J’étais peut-être un peu gris, je dois l’avouer ; mais je le fus bientôt tout à fait.
J’avais saisi la main d’une forte paysanne essoufflée, et je la fis sauter éperdument jusqu’à la limite de mon haleine.
Et puis je bus un coup de vin et je saisis une autre gaillarde. Pour me rafraîchir ensuite, j’avalai un plein bol de cidre et je me remis à bondir comme un possédé.
J’étais souple ; les gars, ravis, me contemplaient en cherchant à m’imiter ; les filles voulaient toutes danser avec moi et sautaient lourdement avec des élégances de vaches.
Enfin, de ronde en ronde, de verre de vin en verre de cidre, je me trouvai, vers deux heures du matin, pochard à ne plus tenir debout.
J’eus conscience de mon état et je voulus gagner ma chambre. Le château dormait, silencieux et sombre.
Je n’avais pas d’allumettes et tout le monde était couché. Dès que je fus dans le vestibule, des étourdissements me prirent ; j’eus beaucoup de mal à trouver la rampe ; enfin, je la rencontrai par hasard, à tâtons, et je m’assis sur la première marche de l’escalier pour tâcher de classer un peu mes idées.
Ma chambre se trouvait au second étage, la troisième porte à gauche. C’était heureux que je n’eusse pas oublié cela. Fort de ce souvenir, je me relevai, non sans peine, et je commençai l’ascension, marche à marche, les mains soudées aux barreaux de fer pour ne point choir, avec l’idée fixe de ne pas faire de bruit.
Trois ou quatre fois seulement mon pied manqua les degrés et je m’abattis sur les genoux, mais grâce à l’énergie de mes bras et à la tension de ma volonté, j’évitai une dégringolade complète.
Enfin, j’atteignis le second étage et je m’aventurai dans le corridor, en tâtant les murailles. Voici une porte ; je comptais : « Une » ; mais un vertige subit me détacha du mur et me fit accomplir un circuit singulier qui me jeta sur l’autre cloison. Je voulus revenir en ligne droite. La traversée fut longue et pénible. Enfin je rencontrai la côte que je me mis à longer de nouveau avec prudence et je trouvai une autre porte. Pour être sûr de ne pas me tromper, je comptai encore tout haut : « Deux » ; et je me remis en marche. Je finis par trouver la troisième. Je dis : « Trois, c’est moi » et je tournai la clef dans la serrure. La porte s’ouvrit. Je pensai, malgré mon trouble : « Puisque ça s’ouvre c’est bien chez moi. » Et je m’avançai dans l’ombre après avoir refermé doucement.
Je heurtai quelque chose de mou : ma chaise longue. Je m’étendis aussitôt dessus.
Dans ma situation, je ne devais pas m’obstiner à chercher ma table de nuit, mon bougeoir, mes allumettes. J’en aurais eu pour deux heures au moins. Il m’aurait fallu autant de temps pour me dévêtir ; et peut-être n’y serais-je pas parvenu. J’y renonçai.
J’enlevai seulement mes bottines ; je déboutonnai mon gilet qui m’étranglait, je desserrai mon pantalon et je m’endormis d’un invincible sommeil.
Cela dura longtemps sans doute. Je fus brusquement réveillé par une voix vibrante qui disait, tout près de moi : « Comment, paresseuse, encore couchée ? Il est dix heures, sais-tu ? »
Une voix de femme répondit : « Déjà ! J’étais si fatiguée d’hier. »
Je me demandais avec stupéfaction ce que voulait dire ce dialogue.
Où étais-je ? Qu’avais-je fait ?
Mon esprit flottait, encore enveloppé d’un nuage épais.
La première voix reprit : « Je vais ouvrir tes rideaux. »
Et j’entendis des pas qui s’approchaient de moi. Je m’assis tout à fait éperdu. Alors une main se posa sur ma tête. Je fis un brusque mouvement. La voix demanda avec force : « Qui est là ? » Je me gardai bien de répondre. Deux poignets furieux me saisirent. A mon tour j’enlaçai quelqu’un et une lutte effroyable commença. Nous nous roulions, renversant les meubles, heurtant les murs.
La voix de femme criait effroyablement : « Au secours, au secours ! »
Des domestiques accoururent, des voisins, des dames affolées. On ouvrit les volets, on tira les rideaux. Je me colletais avec le colonel Dumoulin !
J’avais dormi auprès du lit de sa fille.
Quand on nous eut séparés, je m’enfuis dans ma chambre, abruti d’étonnement. Je m’enfermai à clef et je m’assis, les pieds sur une chaise, car mes bottines étaient demeurées chez la jeune personne.
J’entendais une grande rumeur dans tout le château, des portes ouvertes et fermées, des chuchotements, des pas rapides.
Au bout d’une demi-heure on frappa chez moi. Je criai : « Qui est là ? » C’était mon oncle, le père du marié de la veille. J’ouvris.
Il était pâle et furieux et il me traita durement : « Tu t’es conduit chez moi comme un manant, entends-tu ? » Puis il ajouta d’un ton plus doux : « Comment, bougre d’imbécile, tu te laisses surprendre à dix heures du matin ! Tu vas t’endormir comme une bûche dans cette chambre au lieu de t’en aller aussitôt… aussitôt après. »
Je m’écriai : « Mais, mon oncle, je vous assure qu’il ne s’est rien passé… Je me suis trompé de porte, étant gris. »
Il haussa les épaules : « Allons ne dis pas des bêtises. » Je levai la main : « Je vous le jure sur mon honneur. » Mon oncle reprit : « Oui, c’est bien. C’est ton devoir de dire cela. »
A mon tour, je me fâchai, et je lui racontai toute ma mésaventure. Il me regardait avec des yeux ébahis, ne sachant pas ce qu’il devait croire.
Puis il sortit conférer avec le colonel.
J’appris qu’on avait formé aussi une espèce de tribunal de mères, auquel étaient soumises les différentes phases de la situation.
Il revint une heure plus tard, s’assit avec des allures de juge, et commença : « Quoi qu’il en soit, je ne vois pour toi qu’un moyen de te tirer d’affaires, c’est d’épouser Mlle Dumoulin. »
Je fis un bond d’épouvante :
— Quant à ça, jamais par exemple !
Il demanda gravement : « Que comptes-tu donc faire ? »
Je répondis avec simplicité : « Mais… m’en aller, quand on m’aura rendu mes bottines. »
Mon oncle reprit : « Ne plaisantons pas, s’il te plaît. Le colonel est résolu à te brûler la cervelle dès qu’il t’apercevra. Et tu peux être sûr qu’il ne menace pas en vain. J’ai parlé d’un duel, il a répondu : « Non, je vous dis que je lui brûlerai la cervelle. »
« Examinons maintenant la question à un autre point de vue.
« Ou bien tu as séduit cette enfant et, alors, c’est tant pis pour toi, mon garçon, on ne s’adresse pas aux jeunes filles.
« Ou bien tu t’es trompé étant gris, comme tu le dis. Alors c’est encore tant pis pour toi. On ne se met pas dans des situations aussi sottes. De toute façon, la pauvre fille est perdue de réputation, car on ne croira jamais à des explications d’ivrogne. La vraie victime, la seule victime là-dedans, c’est elle. Réfléchis. »
Et il s’en alla pendant que je lui criais dans le dos : « Dites tout ce que vous voudrez. Je n’épouserai pas. »
Je restai seul encore une heure.
Ce fut ma tante qui vint à son tour. Elle pleurait. Elle usa de tous les raisonnements. Personne ne croyait à mon erreur. On ne pouvait admettre que cette jeune fille eût oublié de fermer sa porte à clef dans une maison pleine de monde. Le colonel l’avait frappée. Elle sanglotait depuis le matin. C’était un scandale terrible, ineffaçable.
Et ma bonne tante ajoutait : « Demande-la toujours en mariage ; on trouvera peut-être moyen de te tirer d’affaires en discutant les conditions du contrat. »
Cette perspective me soulagea. Et je consentis à écrire ma demande. Une heure après je repartais pour Paris.
Je fus avisé le lendemain que ma demande était agréée.
Alors, en trois semaines, sans que j’aie pu trouver une ruse, une défaite, les bans furent publiés, les lettres de faire-part envoyées, le contrat signé, et je me trouvai, un lundi matin, dans le choeur d’une église illuminée, à côté d’une jeune fille qui pleurait, après avoir déclaré au maire que je consentais à la prendre pour compagne… jusqu’à la mort de l’un ou de l’autre.
Je ne l’avais pas revue, et je la regardais de côté avec un certain étonnement malveillant. Cependant, elle n’était pas laide, mais pas du tout. Je me disais : « En voilà une qui ne rira pas tous les jours. »
Elle ne me regarda point une fois jusqu’au soir, et ne me dit pas un mot.
Vers le milieu de la nuit, j’entrai dans la chambre nuptiale avec l’intention de lui faire connaître mes résolutions, car j’étais le maître maintenant.
Je la trouvai, assise dans un fauteuil, vêtue comme dans le jour, avec les yeux rouges et le teint pâle. Elle se leva dès que j’entrai et vint à moi gravement.
« Monsieur, me dit-elle, je suis prête à faire ce que vous ordonnerez. Je me tuerai si vous le désirez. »
Elle était jolie comme tout dans ce rôle héroïque, la fille du colonel. Je l’embrassai, c’était mon droit.
Et je m’aperçus bientôt que je n’étais pas volé.
Voilà cinq ans que je suis marié. Je ne le regrette nullement encore.
Pierre Létoile se tut. Ses compagnons riaient. L’un d’eux dit : « Le mariage est une loterie ; il ne faut jamais choisir les numéros, ceux de hasard sont les meilleurs. »
Et un autre ajouta pour conclure : « Oui, mais n’oubliez pas que le dieu des ivrognes avait choisi pour Pierre. »
Claude Monet
Les falaises d’Étretat, soleil couchant
Era al final de una cena de hombres, de hombres casados, viejos amigos, que se reunían a veces sin sus mujeres, como jóvenes, igual que antes. Se comía largo tiempo, se bebía mucho; se hablaba de todo, se removían recuerdos antiguos y alegres, esos recuerdos cálidos que hacen, a pesar de uno, sonreír a los labios y estremecer el corazón. Alguien decía:
—¿Te acuerdas, Georges, de nuestra excursión a Saint-Germain con esas dos chiquillas de Montmartre?
—¡Pues claro! Que si me acuerdo.
Y se rememoraban detalles, y esto y lo otro, mil pequeñas cosas, que daban gusto aún hoy.
Terminó por hablarse del matrimonio, y cada cual dijo con aire sincero:
—¡Ah! ¡Si se pudiera volver atrás!
Georges Duportin añadió:
—Es extraordinario lo fácil que cae uno en la trampa. Estaba uno resuelto a no tomar nunca esposa; y luego, en primavera se marcha uno al campo; hace calor; el verano se presenta bien; la hierba está florida; se encuentra a una muchacha en casa de unos amigos… ¡y zas! Está hecho. Vuelve uno casado.
Pierre Létoile exclamó:
—¡Justo! Esa es mi historia, solo que con algunos detalles particulares...
Su amigo le interrumpió:
—Tú no puedes quejarte. Tienes la mujer más encantadora del mundo, bonita, amable, perfecta; eres, seguro, el más dichoso de nosotros.
El otro continuó:
—No por mi culpa.
—¿Cómo es eso?
—Es verdad que tengo una mujer perfecta; pero me casé con ella a mi pesar.
—¡Venga ya!
—Sí… He aquí la aventura. Tenía treinta y cinco años y pensaba en casarme tanto como en ahorcarme. Las jovencitas me parecían insípidas y adoraba el placer.
Fui invitado, el mes de mayo, a la boda de mi primo Simon d’Érabel, en Normandía. Fue una auténtica boda normanda. Nos sentamos a la mesa a las cinco de la tarde; a las once seguíamos comiendo. Me habían emparejado, para la ocasión, con una señorita Dumoulin, hija de un coronel retirado, una joven persona rubia y militar, bien en forma, atrevida y habladora. Me acaparó completamente durante todo el día, me arrastró al parque, me hizo bailar quieras que no, me abrumó.
Yo me decía: “Por hoy pase, pero mañana me largo. Ya basta”.
Cerca de las once de la noche, las mujeres se retiraron a sus habitaciones; los hombres se quedaron a fumar mientras bebían, o a beber mientras fumaban, si os parece mejor.
Por la ventana abierta se percibía el baile campestre. Rústicos y rústicas saltaban en círculo, aullando un aire de danza salvaje que acompañaban débilmente dos violinistas y un clarinete subidos a una gran mesa de cocina, a modo de estrado. El canto tumultuoso de los pueblerinos cubría a veces por entero la canción de los instrumentos; y la frágil música, desgarrada por las voces desatadas, parecía caer del cielo en jirones, en pequeños fragmentos de notas dispersas.
Dos grandes barricas, rodeadas de antorchas llameantes, servían de beber a la multitud. Dos hombres se ocupaban de enjuagar los vasos o los tazones en una tina para llevarlos inmediatamente bajo los grifos, de donde fluía el hilo rojo del vino o el hilo de oro de la sidra pura; y los bailadores sedientos, los viejos tranquilos, las muchachas sudorosas se agolpaban, tendían los brazos para tomar a su vez un recipiente cualquiera y servirse en grandes tragos, echando atrás la cabeza, el líquido que preferían. En una mesa había pan, mantequilla, quesos y longanizas. Cada cual se echaba adentro un bocado de tanto en tanto: y bajo el cielo de fuego de las estrellas, daba gusto ver esa fiesta sana y violenta, daban ganas de beber también del vientre de aquellos gruesos toneles y comer pan rústico con mantequilla y una cebolla cruda.
Me vino un deseo loco de tomar parte en el regocijo, y abandoné a mis compañeros.
Estaba quizá un poco bebido, debo confesarlo; pero pronto lo estuve del todo.
Había agarrado de la mano a una recia pueblerina agigolada, y la hice saltar sin compasión hasta quedarme sin aliento.
Y luego bebí un trago de vino y agarré a otra buena moza. Para refrescarme enseguida, me eché adentro un tazón lleno de sidra y me puse otra vez a brincar como un poseso.
Me sentía flexible; los mozos, encantados, me contemplaban tratando de imitarme; las muchachas querían todas bailar conmigo y saltaban toscamente con elegancias de vacas.
En fin, de ronda en ronda, de vaso de vino en vaso de sidra, me vi, cerca de la dos de la mañana, con una curda que no me tenía.
Fui consciente de mi estado y quise llegar hasta mi habitación. El castillo dormía, silencioso y en sombra.
No tenía cerillas y todo el mundo se había acostado. Nada más entrar en el vestíbulo, me asaltaron los mareos; me costó mucho encontrar la barandilla; al cabo, di con ella por azar, a tientas, y me senté en el primer peldaño de la escalera para tratar de ordenar un poco las ideas.
Mi habitación estaba en el segundo piso, la tercera puerta a la izquierda. Por fortuna no lo había olvidado. Animado por este recuerdo, me puse en pie de nuevo, no sin dificultad, y comencé la ascensión, peldaño a peldaño, las manos bien agarradas a los barrotes de hierro para no desplomarme, con la idea fija de no hacer ruido.
Solo tres o cuatro veces mi pie no llegó al escalón y caí de rodillas, pero gracias a la energía de los brazos y a la fuerza de voluntad, evité dar una voltereta entera.
Al cabo, llegué al segundo piso y me aventuré por el corredor, tanteando las paredes. He aquí una puerta; conté: “Una”; pero un vértigo repentino me despegó del muro y me hizo llevar a cabo un recorrido singular que me arrojó sobre el otro tabique. Quise regresar en línea recta. La travesía fue larga y penosa. Al cabo di en la costa, empecé a bordearla de nuevo con prudencia y encontré otra puerta. Para estar seguro de no equivocarme, seguí contando en voz alta: “Dos”; y me puse otra vez en marcha. Terminé por encontrar la tercera. Dije: “Tres, soy yo”, y di vuelta a la llave en la cerradura. La puerta se abrió. Pensé, a pesar de mi confusión: “Puesto que se abre, sin duda es mi cuarto”. Y me interné en la sombra después de cerrar cuidadosamente.
Tropecé con una cosa blanda: mi chaise longue. De inmediato me tumbé encima.
En mi situación, no debía obstinarme en buscar la mesita de noche, el candelero, las cerillas. Hubiera tardado al menos dos horas. Otro tanto hubiera hecho falta para desvestirme; y quizá no lo hubiese conseguido. Renuncié a ello.
Me quité solamente los botines. Desabotoné el chaleco que me asfixiaba, aflojé el pantalón y me quedé dormido con un sueño irresistible.
Duró largo rato, sin duda. Me despertó bruscamente una voz vibrante que decía, muy cerca de mí:
—¿Cómo, perezosa, aún acostada? Son las diez, ¿sabes?
Una voz de mujer respondió:
—¡Ya! Estaba tan agotada de ayer.
Me preguntaba estupefacto qué quería decir ese diálogo.
¿Dónde estaba? ¿Qué había hecho?
Mi pensamiento flotaba, envuelto aún en una nube espesa.
La primera voz continuó:
—Voy a abrir las cortinas.
Y escuché pasos que se aproximaban. Me senté, completamente fuera de mí. Entonces una mano se posó en mi cabeza. Hice un movimiento brusco. La voz preguntó con fuerza:
—¿Quién anda ahí?
Me guardé bien de responder. Dos muñecas furiosas me agarraron. A mi vez estreché a alguien y comenzó una lucha espantosa. Dábamos vueltas, derribando los muebles, chocando contra las paredes.
La voz de mujer gritaba despavorida:
—¡Socorro, socorro!
Acudieron dos criados, vecinos, damas espantadas. Se abrieron los postigos, se descorrieron las cortinas. ¡Estaba luchando con el coronel Dumoulin!
Había dormido junto a la cama de su hija.
Cuando nos separaron, escapé a mi habitación, aturdido por el asombro. Me encerré con llave y me senté, con los pies sobre una silla, porque mis botines habían quedado en el cuarto de esa joven persona.
Escuché un gran rumor por todo el castillo, puertas que se abrían y cerraban, susurros, pasos rápidos.
Al cabo de una media hora llamaron a la puerta. Grité:
—¿Quién es?
Era mi tío, el padre del novio de la víspera. Abrí.
Estaba pálido y furioso y me trató con dureza:
—Te has portado en mi casa como un villano, ¿me escuchas?
Luego añadió en un tono más calmado:
—¡Pero cómo, pedazo de imbécil, te dejas sorprender a las diez de la mañana! Ir a dormirte como un tronco en esa habitación en lugar de marcharte al instante… al instante siguiente.
Yo exclamé:
—Pero tío, le aseguro que no ha ocurrido nada… Me he equivocado de puerta, por la borrachera.
Se encogió de hombros:
—Venga, no digas tonterías.
Alcé la mano:
—Se lo juro por mi honor.
Mi tío continuó:
—Sí, está bien. Es tu deber decir eso.
Me enfadé a mi vez, y le conté toda mi desventura. Me miraba con ojos alucinados, sin saber qué debía creer.
Luego salió a conferenciar con el coronel.
Supe que se había formado también una especie de tribunal de madres, al que eran sometidas las diferentes fases de la negociación.
Regresó una hora más tarde, se sentó con aspecto de juez, y comenzó:
—Sea como sea, no veo para ti más que un modo de salir del apuro, casarte con mademoiselle Dumoulin.
Di un brinco de espanto.
—Eso, ¡de ninguna manera!
Él preguntó con seriedad:
—¿Qué piensas hacer entonces?
Respondí ingenuamente:
—Pues… marcharme de aquí, en cuanto me devuelvan los botines.
Mi tío continuó:
—Déjate de bromas, si quieres. El coronel está resuelto a saltarte la tapa de los sesos en cuanto te aperciba. Y puedes estar seguro de que no amenaza en vano. Le he hablado de un duelo, me ha respondido: ‘No, le digo que le saltaré la tapa de los sesos’.
”Examinemos ahora la cuestión desde otro punto de vista.
”O bien has seducido a esa niña, y entonces, tanto peor para ti, muchacho; no hay que dirigirse a las jovencitas.
”O bien te has equivocado por la borrachera, como tú dices. En ese caso, es aun peor para ti. No debe uno ponerse en situaciones tan tontas. De cualquier modo, la pobre muchacha ha perdido su reputación, puesto que nunca se dará crédito a explicaciones de borracho. La verdadera víctima, la única víctima en todo esto, es ella. Reflexiona.
Y se marchó de allí mientras yo gritaba a su espalda:
—Diga todo lo que quiera. No me caso.
Me quedé solo aún una hora.
Fue mi tía quien vino esta vez. Lloraba. Utilizó todos los razonamientos. Nadie creía en mi error. No podía admitirse que esa jovencita hubiera olvidado cerrar la puerta con llave en una casa llena de gente. El coronel la había pegado. Sollozaba desde por la mañana. Era un escándalo terrible, imborrable.
Y mi buena tía añadía:
—Pídela en matrimonio, de todas formas; quizá habrá un medio de sacarte del apuro al discutir las condiciones del contrato.
Esa perspectiva me alivió. Y consentí en escribir mi petición. Una hora después salía de nuevo hacia París.
Al día siguiente me comunicaron que mi petición había sido aceptada.
Luego, en tres semanas, sin que pudiera encontrar un ardid, un descosido, se publicaron las amonestaciones, se enviaron la invitaciones, se firmó el contrato, y me vi, un lunes por la mañana, en el coro de una iglesia iluminada, al lado de una jovencita que lloraba, después de haber declarado ante el alcalde que consentía en tomarla por compañera… hasta la muerte del uno o de la otra.
No había vuelto a verla, y la miraba de lado con un cierto asombro malicioso. A pesar de todo, no era fea, de ninguna manera. Me decía: “He aquí una que no reirá todos los días”.
Ella no me miró una sola vez hasta la noche; y no me dijo palabra.
Cerca de medianoche, entré en el cuarto nupcial con la intención de hacerle saber lo que había resuelto, puesto que ahora el amo era yo.
La hallé, sentada en una butaca, vestida como durante el día, con los ojos rojos y la tez pálida. Se levantó en cuanto entré y se acercó seriamente.
—Señor —me dijo—, estoy dispuesta a hacer lo que ordene. Me mataré si lo desea.
Estaba bonita a reventar en ese papel heroico, la hija del coronel. La besé, estaba en mi derecho.
Y bien pronto percibí que no me habían estafado.
Hará cinco años que me casé. Y aún sigo sin lamentarlo.
Pierre Létoile se calló. Sus compañeros reían. Uno de ellos dijo:
—El matrimonio es una lotería; no hay que elegir los números, los del azar son los mejores.
Y otro añadió para concluir:
—Sí, pero no olvidéis que el dios de los borrachos había elegido por Pierre.
GUY DE MAUPASSANT
'Ma femme' (Mi mujer)
Traducción de Alan
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